Que le chœur devienne protagoniste

2001.
Une exposition d’Abel Robino

à l’ Espace Paul Eluard – Ville de Stains – septembre – octobre 2001


Vidéo : René Dávila
Photographies Fernando Orellana
Artis Diffusion


Pour préparer cette exposition, depuis près d’une année, nous avons avec Abel Robino, longuement parlé de son travail et de la manière de vous le montrer.

Nous avons écarté les expositions bilans : la rétrospective avec son caractère testamentaire, et le choix d’oeuvre honorifique ou pédagogique.

Puisque son travail est présenté dans la ville où il vit et travaille, à Stains en Seine Saint Denis, et que nombreux seront les visiteurs qui sont aussi ses voisins, nous avons décidé de montrer l’état de sa création au moment de l’exposition, aujourd’hui.

C’est dans cette démarche qu’Abel Robino a choisi les oeuvres et le titre Que le chœur devienne protagoniste, qui les rassemble.

Durant la mise en place de l’exposition dans cette salle, il m’a dit penser à une forme de cathédrale, un lieu de recueillement où le public irait d’une oeuvre à une autre cherchant selon une formule de l’écrivain argentin, son compatriote Jorge Luis Borges : l’imminence d’une révélation, qui ne se produit pas.

C’est dire qu’Abel Robino nous propose ici, en artiste créateur – celui qui dit au monde – une expression de l’humain dans le monde d’aujourd’hui.

A vous, à nous, visiteurs de cette exposition, de regarder, de voir et d’y chercher ce que dit à chacun d’entre nous … en même temps qu’à nous tous, qui sommes le chœur du monde.

Michel Berlemont
Directeur de l’Action culturelle de la ville de Stains


Famille de passage

Ma mère m’a appris à tisser, tous les indiens savent tisser. C’est pour moi une façon de m’attaquer au corps humain.

Entendu de mon grand-père paternel, calabrais de 96 ans: endormi sous le soleil sur sa chaise, quand on le réveillait, il répétait : j’étais de retour.

Si on l’interrogeait en travaillant : che fai nono ?, il répondait : cosa passagiera.

Entendu de mon grand-père maternel, convoyeur de bétail dans la Pampa qui passait trois mois pour aller et trois mois pour retourner. Le peu de mots qu’il disait : J’y vais, et je retourne.

Cousin germain, voleur. Quand la famille lui a demandé pourquoi il avait commis ces délits successifs, il a répondu : J’aime fuir.

Oncle anti-péroniste, exilé en Uruguay pour ne pas être loin de Buenos Aires, ne pas perdre l’habitude de boire du maté et se sentir à la campagne tout en habitant Montevideo. Quand la famille l’a condamné en disant que son exil était un exil de cabotage, il a dit : j’aurais pleuré autant si j’avais été en Alaska.


Peut être tout ceci justifie mon passage d’un tableau à l’autre, comme si un fait de sang me précédait, ma phobie pour la dictature du collage et ma passion pour la technique du posage ; mes éternels voyages, mes carnets d’esquisses durant les voyages : un parcours dans le parcours.

Je crois que seule l’action crée un nouvel espace, qu’il n’est pas possible de le voir avec les yeux fixes, mais du coin de l’œil et avec le même sentiment du funambule qui risque le vertige en regardant ainsi.

Pour moi, regarder en face c’est figer; la réalité se voit en fuite.

Abel Robino
Famille de passage

Je dessine comme mon grand-père, qui convoyait des troupeaux à travers la pampa, et dessinait sur le sol avec un bâton. J’ai ainsi réalisé un journal dessiné, en utilisant du thé, de la craie, de l’encre de Chine…